Le Gouvernement ivoirien vient de rendre public, le prix bord champ du café et du cacao pour la campagne agricole 2024-2025. Ce prix est de 1500 FCFA /KG pour le café et de 1800 FCFA/kg pour le cacao. Si l’annonce du prix du kilogramme de café faite par le ministre Kobenan Kouassi Adjoumani, a donné lieu à un tonnerre d’applaudissements dans la salle, celle du cacao fut accueillie avec une certaine froideur. La salle et par-delà les producteurs ivoiriens de cacao, viennent de se rendre compte que la montagne a accouché d’une souris. Toutes leurs espérances et tous les châteaux bâtis en Espagne, viennent de s’écrouler.
On note en effet que, si le prix du café connait une augmentation certaine, passant de 900 FCFA/kg à 1500 FCFA soit une augmentation de 600 F par rapport à la campagne écoulée, celui du cacao n’a évolué que de 300 F. Le paysan ivoirien n’aura pas une fois encore, l’opportunité de profiter durablement de l’embellie du cours mondial du cacao. Et le Gouvernement nonobstant ses assurances, n’a pas octroyé au paysan les 60% du prix du cours mondial comme longtemps promis ; autrement le cacao serait acheté à 2800 FCFA/kg au moins. Comment peut-il en être autrement ?
Aujourd’hui plus que jamais, l’Etat a d’énormes besoins financiers pour faire face à ses charges lourdes, dont le remboursement des dettes faramineuses contractées. De ce fait, aucun sou vaillant ne doit et ne peut lui échapper. Ainsi, les recettes tirées de la commercialisation du cacao, avec les nombreux prélèvements, ne peuvent pas permettre d’augmenter de façon substantielle le prix octroyé au paysan. Et si l’on ajoute les coûts de fonctionnement de l’organe de régulation, qui ne cessent d’augmenter, il va sans dire que c’est aux paysans ivoiriens de supporter une bonne partie des dépenses somptuaires de nos gouvernants et partant, du train de vie élevé de l’Etat.
A-t-on objectivement des raisons d’être surpris de ce qui arrive aux paysans ivoiriens?
En dépit de la satisfaction qu’éprouve le ministre Adjoumani et de nombreux soutiens du pouvoir, au point de clamer : « …c’est du jamais vu… », le paysan ivoirien ne peut que soupirer. Il est conscient que son mécontentement et ses protestations iront toujours se briser sur le parapluie de l’indifférence des tenants du pouvoir. Mais a-t-on objectivement des raisons d’être surpris de ce qui arrive aux paysans ivoiriens? Assurément non.
Souvenons-nous. Un candidat à l’élection présidentielle de 2010 avait déclaré que : «mon travail, c’est chercher l’argent… ». De nombreux ivoiriens avaient applaudi à tout rompre. Pour eux, l’homme ira par monts et par vaux, sous la pluie et sous le soleil, de jour comme de nuit, chercher à l’extérieur de l’argent pour trouver des réponses à leurs préoccupations existentielles. Ils n’ont à aucun moment, pensé que leurs poches seront également sollicitées dans cette entreprise de recherche d’argent.
« Ils n’ont pas l’honnêteté d’afficher le prix du cours mondial à cette période, et de le mettre en parallèle avec la situation qui prévaut aujourd’hui »
Personne n’y échappe aujourd’hui. Après les marchés financiers qui ont été visités de fond en comble, les entreprises privées n’ont pas été épargnées avec des lois des finances très novatrices qui leur ont fait perdre le sourire. Les poches des citoyens n’ont non plus été oubliées. Elles sont régulièrement fouillées pour trouver l’argent que ces avares d’ivoiriens ne veulent pas sortir mais voudraient bien le garder par devers eux.
Ces ivoiriens devront désormais payer lorsqu’ils enjambent un pont, payer lorsqu’ils empruntent une route bitumée et payer plus cher lorsqu’ils lancent un appel téléphonique ou naviguent sur internet. Tout ceci participe de la politique de recherche de l’argent dont le candidat à l’élection de 2010 est un expert. Mais le plus désespérant dans cette affaire du prix du kilogramme de cacao, c’est la propension qu’ont les soutiens du pouvoir de publier à profusion le prix d’achat du cacao aux paysans sous le président Gbagbo (leur unité de mesure et de référence), à l’effet de montrer que celui-ci n’ a pas fait mieux.
Ils n’ont pas l’honnêteté d’afficher le prix du cours mondial à cette période, et de le mettre en parallèle avec la situation qui prévaut aujourd’hui : prix octroyé aux paysans et prix du marché mondial. Mais c’est trop leur demander… Les paysans peuvent bien se lamenter, se plaindre mais n’est-ce pas à tort? Car celui dont le travail est de chercher l’argent n’a jamais dit que la poche de ces braves paysans serait épargnée dans ce qu’il sait faire le mieux : chercher l’argent ! Ainsi va le pays. Mais arrive le jour où l’ivraie sera séparée du vrai.
NAZAIRE KADIA