Interrogé sur la chaîne de télévision française France 24, l’ancien pilier de la Françafrique, Robert Bourgi, qui vient de publier ses mémoires sur les années passées auprès d’Houphouet Boigny à Sarkozy, en passant par les Bongo, Sassou, Gbagbo, Chirac et consorts, fait de troublantes révélations sur le sort qui a été réservé à Laurent Gbagbo avant et après l’élection présidentielle de 2010 dont la crise postélectorale l’a conduit à la Cour pénale internationale (CPI). Ci-dessous, Lemeridien.ci vous propose de larges extraits de l’interview à vous couper le souffle.
« Laurent Gbagbo voulait s’attirer les bonnes grâces de la France. Je lui ai dit, tu sais Laurent, je vais être franc avec toi. Il va falloir que tu puisses contribuer, faire un geste pour M. Chirac. Et j’organise un déjeuner au restaurant La Pérouse. Il y avait Gbagbo dans un salon du restaurant La Pérouse.
Gbagbo, Villepin et moi-même. Et là, je dis à Dominique de Villepin, Dominique, comme vous me l’avez demandé, je vais demander à Gbagbo devant vous, d’aider le président de la République.
Et j’ai demandé à Laurent, Laurent voilà ce que je t’ai laissé entendre, je vais le dire devant Dominique de Villepin, il va falloir que tu puisses aider à l’élection présidentielle de 2002.
Et Laurent de dire, je suis de la famille de Gbagbo. Je suis un ami socialiste, je suis un ami de M. Jospin, mais Dominique, j’aiderai à hauteur de 3 millions de dollars. Est-ce que vous considérez qu’il a été trahi par Jacques Chirac, par Dominique de Villepin, par la France plus largement ?
« Sarkozy a sauté de son fauteuil et a dit : puisque c’est ça, je vais le vitrifier »
Monsieur Pérenneman (le journaliste de France 24), vous m’offrez l’opportunité de laver ma conscience. J’ai été l’acteur et le témoin de toutes les relations entre la France et la Côte d’Ivoire en ces heures troubles, difficiles. J’ai vu que Jacques Chirac et Dominique ont été d’une ingratitude à nul autre pareil. Et quand Laurent est tombé, qu’il a été conduit à La Haye, j’en ai beaucoup souffert.
Personnellement et dans ma famille, j’en ai souffert terriblement. Les derniers moments de la présidence de Gbagbo, je les ai vécus avec Nicolas Sarkozy. Et là, les choses se sont compliquées.
Les élections sont là, et Laurent avait gagné les élections. Nous savons qu’il les avait gagnées, comme Jean Ping les avait gagnées en 2016 à Libreville. Là, Gbagbo avait gagné les élections. Pas Ouattara. Le Président Nicolas Sarkozy me dit : il va falloir que tu appelles ton ami Gbagbo pour lui dire de partir, il aura un statut d’ancien chef d’État. J’ai appelé Laurent. Laurent Gbagbo me dit: tu diras à ton ami Sarkozy que je serai son Mugabe. J’ai fait le retour, Sarkozy a sauté de son fauteuil et a dit : puisque c’est ça, je vais le vitrifier. Le lendemain ou le surlendemain, Laurent a été tombé ».