Avant un sommet des pays du bloc, prévu jeudi (17) et vendredi (18) à Bruxelles, et sous la pression de plusieurs États membres, dont la France et l’Allemagne, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a proposé lundi soir (14) une nouvelle loi pour faciliter l’expulsion des migrants irréguliers.
Von der Leyen a signé l’un des premiers actes politiques majeurs depuis sa reconduction pour un second mandat, dans un contexte de montée de l’extrême droite en Europe. Mais le chemin vers la mise en œuvre de cette nouvelle législation est semé d’embûches.
Selon les règles actuelles, l’expulsion aux frontières de l’Union européenne est régie par la « directive retour » de 2008. Le texte harmonise les règles de l’UE en matière d’expulsion des migrants irréguliers vers des pays tiers, tout en leur garantissant des recours légaux.
La règle établit une procédure progressive menant à l’expulsion forcée. La décision d’expulsion doit accorder à l’étranger concerné « un délai adéquat », qui varie entre 7 et 30 jours, pour un départ « volontaire », sauf en cas de risque de fuite ou de danger pour l’ordre public.
Les « mesures coercitives », telles que la détention avant l’expulsion, ne peuvent être utilisées qu’en « dernier recours ».
La loi autorise un maximum de 18 mois de détention pour les immigrants illégaux dans l’UE. Après l’expulsion, le texte prévoit une interdiction d’entrée sur le territoire du bloc pendant cinq ans.
En 2008, ces mesures ont provoqué l’indignation des défenseurs des droits humains qui ont critiqué une « loi de la honte ». Le texte a également suscité des protestations dans les pays étrangers, notamment en Amérique latine.
Quinze États membres, dont la France et l’Allemagne, ont récemment signé une note de travail initiée par l’Autriche et les Pays-Bas pour renforcer ces règles.
Ursula von der Leyen a accepté cette demande dans une lettre envoyée lundi aux 27 pays de l’UE. L’immigration sera à l’ordre du jour du sommet des chefs d’Etat et de gouvernement européens, jeudi et vendredi, à Bruxelles.
La Commission souhaite « accélérer efficacement le processus d’expulsion ». Actuellement, moins de 20 % des décisions d’expulsion de migrants irréguliers sont mises en œuvre dans l’UE.
En France, le nouveau ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, très ferme sur la question migratoire, a fait de ce sujet son cheval de bataille. Le conservateur de droite accuse la loi de 2008 de rendre les expulsions « quasi impossibles » et pointe la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, qu’il juge trop laxiste.
La France remet en question les délais accordés pour un départ volontaire, avant une expulsion forcée.
Pas de calendrier
Aucun calendrier n’a été fixé à ce stade. La nouvelle équipe de la Commission européenne doit d’abord prendre ses fonctions, probablement début décembre.
Par ailleurs, la révision d’une loi est un long processus d’allers-retours entre les États membres et le Parlement.
En 2018, la Commission a présenté une proposition de révision qui n’a jamais abouti en raison de l’absence d’accord sur cette question sensible. Des ONG ont dénoncé des atteintes aux droits fondamentaux des migrants.
La nouvelle proposition d’Ursula von der Leyen intervient peu après que l’Union européenne a adopté le pacte sur l’asile et la migration, approuvé en mai dernier. Ce pacte, qui devrait entrer en vigueur mi-2026, renforce les contrôles et instaure un mécanisme de solidarité entre les 27 pays prenant en charge les demandeurs d’asile.
Mais dans une Europe confrontée à la montée de l’extrême droite, plusieurs pays veulent aller plus loin.
Dans sa lettre, Ursula von der Leyen évoque également une proposition inflammable de transférer les migrants vers des centres d’accueil dans des pays tiers, appelés « centres de retour ». Elle appelle à “tirer des leçons” de l’accord conclu entre l’Italie et l’Albanie, selon lequel deux centres accueilleront à partir de mercredi les immigrés détenus dans les eaux italiennes.
Cet accord avec Tirana est « une voie nouvelle, courageuse et sans précédent », a déclaré Giorgia Meloni, chef du gouvernement italien et du parti d’extrême droite Fratelli d’Italia.
De telles discussions étaient « impossibles » au sein de l’Union il y a quelques années, souligne un responsable européen. Mais « le débat a évolué », « vers la droite » de l’échiquier politique, observe-t-il.